Les grottes de la Tentation.
Extrait de la Vie de N. S. Jésus Christ recueillis par Clément Brentano d’après les visions d’Anne-Catherine Emmerich (1774-1824) – Lire le texte en entier.
Avant le sabbat, Jésus, accompagné de Lazare, alla à l’hôtellerie que celui-ci possédait sur le chemin du désert. Il lui dit en particulier qu’il reviendrait dans quarante jours. À partir de l’hôtellerie, il continua son chemin seul et pieds nus. Il n’alla pas d’abord dans la direction de Jéricho, mais vers le midi, comme s’il eût voulu aller à Bethléhem, en passant entre la résidence des parents de sainte Anne et celle des parents de saint Joseph près de Maspha : alors il se dirigea vers le Jourdain, faisant le tour de tous les villages par des sentiers ; il passa tout contre le lieu où l’arche d’alliance s’était arrêtée, et où Jean avait célébré une fête.
Il commença à gravir la montagne à une lieue environ de Jéricho ; et il entra dans une caverne spacieuse. Cette chaîne de montagne, à partir de Jéricho, court entre le levant et le midi, et, de l’autre côté du Jourdain, elle se dirige vers Madian. Jésus commença son jeûne ici, près de Jéricho ; il le continua en divers endroits situés au-delà du Jourdain et revint le terminer sur cette première montagne, qui est celle où le diable le transporta.
Au sommet de cette montagne, on a une vue très étendue. Elle est en partie couverte de buissons, en partie nue et sauvage. Elle ne s’élève pas jusqu’au niveau de Jérusalem, mais sa base est située beaucoup plus bas, et elle est dans une situation plus isolée. Le point le plus élevé des hauteurs de Jérusalem est la colline du Calvaire qui se trouve au niveau du faîte du temple. (…)
Jésus gravit pendant la nuit la montagne escarpée et sauvage qu’on appelle aujourd’hui Montagne de la Quarantaine. Il y a trois crêtes et trois grottes placées l’une au-dessus de l’autre. Derrière la grotte supérieure dans laquelle entra Jésus, l’œil plongeait dans les sombres profondeurs d’un précipice escarpé. Toute la montagne était pleine de fentes effroyables et dangereuses. (…)
Sainte Hélène fit disposer des chapelles dans ces grottes. J’ai vu sur le mur de l’une d’elles une peinture représentant la Tentation. Il y eut plus tard un couvent sur cette hauteur. Je ne puis m’imaginer comment les ouvriers pouvaient venir travailler là. (…)
Le mont de la Tentation, pas loin de la ville de Jéricho. À mi-chemin vers le sommet du mont se trouve le monastère grec-orthodoxe de la Tentation.

Mais finalement c’est en Jordanie que Jésus fera son jeûne de quarante jours.
Jésus descendit de la montagne vers le Jourdain, entre Galgala et le lieu où Jean baptisait, qui était environ une lieue plus au midi. Il s’embarqua lui-même sur une poutre qui se trouvait là pour traverser le Jourdain dans cet endroit étroit et profond que je ne connaissais pas auparavant.
Il passa sur la rive orientale, puis, laissant à droite Bethabara et coupant plusieurs routes qui conduisaient au Jourdain, il entra dans les montagnes par le désert, en suivant des sentiers escarpés qui se dirigeaient entre le levant et le midi, il passa par une vallée qui va vers Callirrhoé, et où il traversa une petite rivière, puis il s’avança plus au nord, en suivant une arête de montagne jusqu’à un endroit où l’on a en face de soi, dans la vallée, la ville de Jachza. (…)
Jésus était alors sur des montagnes extrêmement sauvages : c’était quelque chose d’encore plus âpre que la montagne voisine de Jéricho. On se trouve à peu près en face de celle-ci. Le mont du désert où est Jésus est à environ neuf lieues du Jourdain. C’est ici que Jésus fera son jeûne de quarante jours.
Ici aussi il a prié et vu dans toute leur étendue les souffrances qui l’attendent. Satan n’est pas encore venu près du Sauveur. La divinité et la mission de Jésus lui sont tout à fait cachées. Il n’a compris les paroles : « C’est mon Fils bien aimé dans lequel je me complais » que comme s’il s’agissait d’un homme, d’un prophète. (…)
Je vins près de Jésus dans la grotte. Elle me parut cette fois plus spacieuse : hier je n’en avais vu que l’entrée. Il s’y trouvait une ouverture par laquelle entrait un air pénétrant et froid. Dans cette saison de l’année, le temps ici est très froid et très nébuleux. La grotte était âpre et rocailleuse et le sol très inégal. Elle était formée d’une pierre veinée de couleurs variées, qu’on aurait prises pour de la peinture si elle eût été polie. Aux alentours du rocher, il venait quelques broussailles. On voyait là aussi des quartiers de roc qui ressemblaient presque à des buissons. La grotte était assez spacieuse pour que Jésus put s’agenouiller et se prosterner à une place où il n’avait pas l’ouverture au-dessus de sa tête. (…)
« Pierre veinée de couleurs variées, qu’on aurait prises pour de la peinture »
Ces couleurs sont typiques des roches de Jordanie, que j’ai eu la chance de visiter. Et c’est au cœur de ces montages colorées que ce trouve la ville de Pétra. La pierre y est tellement belle qu’elle a donné son nom à la ville. Les vestiges que l’on y voit sont uniquement des tombeaux. La ville fut chrétienne avant de disparaître suite au détournement des routes commerciales.
Jésus est tenté par Satan au désert
Extrait des visions de Maria Valtorta, L’Évangile tel qu’il m’a été révélé. Le jeudi 24 février 1944, (édition de 1985).
Un énorme rocher forme un embryon de grotte. Assis sur une roche traînée à l’intérieur, Jésus se tient adossé à la paroi. Il s’y repose du soleil brûlant. Celui qui m’avertit intérieurement m’indique que cette roche sur laquelle il est assis lui sert aussi d’agenouilloir et d’oreiller quand il prend quelques heures de repos, enroulé dans son manteau, à la lueur des étoiles et dans l’air froid de la nuit.
De fait, là tout près, se trouve la besace que je lui ai vu prendre à son départ de Nazareth. C’est tout son avoir et comme elle est flasque, je comprends qu’elle est vide du peu de nourriture qu’y avait mise Marie.
Jésus est très maigre et pâle. Il est assis avec les coudes appuyés sur les genoux et les avant-bras portés en avant, les mains jointes avec les doigts entrelacés. Il médite. De temps à autre il lève son regard et le promène alentour et regarde le soleil presque au zénith dans le ciel azuré. De temps en temps et en particulier après avoir regardé les alentours et levé les yeux vers la lumière du soleil, il ferme les yeux et s’appuie sur le rocher qui lui sert d’abri, comme pris de vertige.
Désert du Wadi Rum en Jordanie. Le plus beau des déserts du monde, avec des roches rouges ou marbrées – 1994.

La rencontre avec Satan.
C’est alors que je vois apparaître l’horrible gueule de Satan. Il ne se présente pas sous la forme où nous nous le représentons avec cornes, queue, etc. etc. On dirait un Bédouin enveloppé dans son habit et son manteau qui semble un domino de mascarade. Sur la tête, le turban dont les pans lui descendent jusqu’aux épaules pour les abriter, et sur les côtés du visage, de sorte que de ce dernier on ne voit qu’un triangle étroit, très brun avec des lèvres minces et tordues, des yeux très noirs et renfoncés, d’où sortent des éclairs magnétiques. Deux pupilles qui te pénètrent jusqu’au fond du cœur où on ne lit rien, ou une seule parole : mystère.
Le contraire de l’œil de Jésus qui vous fascine lui aussi par ses effluves magnétiques qui vous pénètrent jusqu’au cœur mais où on lit aussi que dans son cœur il n’y a que bonté et amour pour toi. L’œil de Jésus est pour l’âme une caresse. L’œil de Satan est un double poignard qui vous perce et vous brûle.
Il s’approche de Jésus : Tu es seul ?
Jésus le regarde sans répondre.
Comment es-tu arrivé ici ? Tu t’es perdu ?
Jésus le regarde de nouveau et se tait.
Si j’avais de l’eau dans ma gourde, je t’en donnerais. Mais je n’en ai pas. Mon cheval est crevé et je me dirige à pied vers le gué. Là je boirai et je trouverai quelqu’un qui me donne un pain. Je connais la route. Viens avec moi, je te conduirai.
Jésus ne lève plus les yeux.
Tu ne réponds pas ? Sais-tu que si tu restes ici tu vas mourir ? Déjà le vent se lève. Il va y avoir la tempête. Viens.
Jésus serre les mains dans une muette prière.
Début de la tentation.
Ah ! C’est donc bien toi ? Depuis le temps que je te cherche ! Et maintenant, cela fait si longtemps que je t’observe. Depuis le moment où tu as été baptisé. Tu appelles l’Éternel ? Il est bien loin. Maintenant tu es sur terre et au milieu des hommes. Et chez les hommes, c’est moi qui suis roi.
Pourtant, tu me fais pitié et je veux t’aider parce que tu es bon et que tu es venu te sacrifier, pour rien. Les hommes te haïront à cause de ta bonté. Ils ne comprennent qu’or et mangeaille et jouissance. Sacrifice, souffrance, obéissance sont pour eux des paroles mortes, plus mortes que cette terre-ci et ses alentours. Ils sont plus arides encore que cette poussière. Il n’est que le serpent pour se cacher ici en attendant de mordre et aussi le chacal pour te mettre en pièces. Allons, viens. Ils ne méritent pas que l’on souffre pour eux. Je les connais mieux que toi
Satan s’est assis en face de Jésus, Il le fouille de son regard terrible, et sourit de sa bouche de serpent. Jésus se tait toujours et prie mentalement.
Tu te défies de moi. Tu as tort. Je suis la sagesse de la terre. Je puis te servir de maître pour t’aider à triompher. Vois : l’important, c’est de triompher. Puis, quand on s’est imposé au monde et quand on l’a séduit, alors on le mène où l’on veut. Mais d’abord, il faut être comme il leur plaît, comme eux, les séduire en leur faisant croire que nous les admirons et que nous les suivons dans leurs pensées.
Tentation par la femme.
Tu es jeune et beau. Commence par la femme. C’est toujours par elle qu’on doit commencer. Je me suis trompé en amenant la femme à la désobéissance. J’aurais dû la conseiller d’une autre manière. J’en aurais fait un meilleur instrument et j’aurais vaincu Dieu. J’ai été trop pressé. Mais Toi ! Je t’enseigne car il y a eu un jour où je t’ai regardé avec une joie angélique et un reste de cet amour est demeuré en moi. Mais Toi, écoute-moi et profite de mon expérience. Donne-toi une compagne, où Toi, tu ne réussiras pas, elle réussira. Tu es le nouvel Adam : Tu dois avoir ton Ève.
Et puis, comment peux-tu comprendre et guérir les maladies des sens, si tu ne sais pas ce que c’est. Ne sais-tu pas que la femme est le noyau d’où naît la plante de la passion et de l’orgueil ? Pourquoi l’homme veut-il régner ? Pourquoi veut-il être riche, puissant ? Pour posséder la femme. Elle est comme l’alouette. Elle a besoin d’un scintillement qui l’attire.
L’or et la domination sont les deux faces du miroir qui attire les femmes et la cause des maux du monde. Regarde : derrière mille délits d’apparences diverses il y en a neuf cent, au moins, qui ont leur racine dans la faim de la possession de la femme où dans la volonté d’une femme brûlée d’un désir que l’homme ne satisfait pas encore ou ne satisfait plus. Vas vers la femme si tu veux savoir ce qu’est la vie et après, seulement tu sauras soigner et guérir les maux de l’humanité.
Elle est belle, tu sais, la femme ! Il n’est rien de plus beau au monde. L’homme possède la pensée et la force. Mais la femme ! Sa pensée est un parfum, son contact est caresse de fleurs. Sa grâce est un vin enivrant, sa faiblesse est comme un écheveau de soie ou les boucles frisées d’un bébé entre les mains de l’homme. Sa caresse est une force qui se communique à la nôtre et l’enflamme. La souffrance disparaît, et la fatigue, et les soucis quand il se pose auprès d’une femme. Elle est entre nos bras comme un bouquet de fleurs.
Tentation par la faim.
Mais, imbécile que je suis ! Tu as faim et je te parle de femme. Ta vigueur est épuisée. Pour cette raison, ce parfum de la terre, cette fleur de la création, ce fruit qui donne et suscite l’amour te parait sans valeur. Mais regarde ces pierres, comme elles sont rondes et polies, dorées sous les rayons du soleil couchant. Ne dirait-on pas des pains ? Toi, Fils de Dieu, Tu n’as qu’à dire : « Je le veux », pour qu’elles deviennent un pain odorant, comme celui qu’à cette heure les ménagères tirent du four pour le repas de la famille. Et ces acacias si arides, si Tu le veux, ne peuvent-ils pas se couvrir de fruits délicieux, de dattes sucrées comme le miel ? Rassasie-toi, Fils de Dieu. Tu es le Maître de la terre. Elle se penche pour se mettre à tes pieds et apaiser ta faim.
Tu vois comme tu pâlis et chancelles, rien qu’à entendre parler de pain. Pauvre Jésus ! Es-tu affaibli au point de ne plus pouvoir commander au miracle ? Veux-tu que je le fasse pour Toi ? Je ne suis pas à ton niveau, mais je puis faire quelque chose. Je me priverai pendant un an de ma force, je la rassemblerai toute, mais je veux te servir parce que Tu es bon et que je me souviens toujours que Tu es mon Dieu, même si maintenant j’ai démérité de te donner ce nom. Aide-moi de ta prière pour que je puisse…
Tais-toi. « Ce n’est pas seulement de pain que vit l’homme, mais de toute parole qui vient de Dieu ».
Le démon a un sursaut de rage. Il grince des dents et serre les poings, mais il se maîtrise et ses dents se desserrent pour ébaucher un sourire.
La tentation du miracle spirituel.
Je comprends. Tu es au-dessus des nécessités de la terre et cela te dégoûte de te servir de moi. Je l’ai mérité. – Mais, viens alors et vois ce qui se passe dans la Maison de Dieu. Vois comme les prêtres aussi ne se refusent pas à composer entre l’esprit et la chair, parce que, enfin ce sont des hommes et pas des anges. Accomplis un miracle spirituel. Je te porte sur le pinacle du Temple et là-haut, Tu te transfigures en une merveilleuse beauté. Ensuite, appelle les cohortes angéliques et dis-leur de te faire de leurs ailes entrelacées une estrade pour tes pieds et de te faire descendre ainsi dans la cour principale. Qu’ils te voient et se rappellent qu’il y a un Dieu. De temps à autre, ces manifestations sont nécessaires parce que l’homme a une mémoire si courte, spécialement pour ce qui est spirituel. Tu sais comme les anges seront heureux de te donner où poser ton pied et une échelle pour que tu descendes !
« Ne mets pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu » a-t-il été dit.
Tu comprends que même ton apparition ne changerait pas les choses et que le Temple continuerait d’être marché et corruption. Ta divine sagesse le sait, que les cœurs des ministres du Temple sont un nid de vipères qui s’entre dévorent pour arriver au pouvoir. Il n’y a pour les dompter que la puissance humaine.
La tentation du pourvoir temporel.
Alors, viens. Adore-moi. Je te donnerai la terre. Alexandre. Cyrus, César, tous les plus grands conquérants du passé, ou encore vivants seront semblables à de vulgaires chefs de caravanes par rapport à Toi qui auras tous les royaumes de la terre sous ton sceptre et avec les royaumes toutes les richesses, toutes les splendeurs de la terre, et femmes, et chevaux et soldats et temples. Tu pourras élever partout ton Signe quand Tu seras le Roi des Rois et le Seigneur du monde. Alors, Tu seras obéi et respecté par le peuple et le sacerdoce. Toutes les castes t’honoreront et Te serviront parce que Tu seras le Puissant, l’unique, le Seigneur.
La tentation de faire plaisir à Satan, par charité, en l’adorant un court instant.
Adore-moi un seul instant ! Enlève-moi la soif que j’ai d’être adoré ! C’est elle qui m’a perdu. Mais elle est restée en moi et me brûle. Les flammes de l’Enfer sont fraîcheur de l’air au matin, en comparaison de cette ardeur qui me brûle au-dedans. C’est mon enfer, cette soif. Un instant, un seul instant, ô Christ, Toi qui es bon ! Un instant de joie pour l’Éternel Torturé !
Fais-moi éprouver ce que veut dire être Dieu et je te serai dévoué, obéissant comme un esclave pour toute la vie, pour toutes tes entreprises. Un instant ! Un seul instant, et je ne te tourmenterai plus !
Et Satan se jette à genoux, suppliant.
Jésus s’est mis debout, au contraire. Plus amaigri après ces jours de jeûne, il semble encore plus grand. Son visage est terrible de sévérité et de puissance. Ses yeux sont deux saphirs qui jettent des flammes. Sa voix est un tonnerre qui se répercute dans la cavité du rocher et se répand sur les roches et la terre désolée, quand il dit : « Va-t-en Satan. Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et serviras Lui seul ».
Satan avec un cri déchirant de damné et de haine inexprimable, saute debout, terrible à voir dans sa fureur, dans sa personnalité toute fumante. Et puis il disparaît avec un nouveau hurlement de malédiction.
Fin de la tentation.
Jésus s’assied, fatigué en appuyant sa tête en arrière contre le rocher. Il paraît à bout. Il sue. Mais des êtres angéliques viennent de leurs ailes renouveler l’air dans la chaleur étouffante de la grotte, la purifiant et la rafraîchissant. Jésus ouvre les yeux et sourit. Je ne le vois pas manger. On dirait qu’il se nourrit du parfum du Paradis et en sort revigoré.
Le soleil disparaît au couchant. Jésus prend la besace vide et, accompagné par les anges qui volant au-dessus de Lui, lui font une douce lumière, pendant que la nuit tombe très rapidement, il se dirige vers l’Est ou plutôt vers le Nord Est. Il a repris son expression habituelle, sa démarche assurée. Il lui reste seulement comme souvenir de son jeûne prolongé un aspect plus ascétique avec son visage amaigri et pâle et ses yeux ravis dans une joie qui n’est pas de cette terre.
Désert du Néguev, En hébreu biblique, Néguev signifie « sud ». Photo prise lors d’un pèlerinage 1996. J’ai retouché la couleur car au naturel ce dessert n’est pas très joli. Il faut aller en Jordanie ou en Syrie pour trouver de beaux déserts.
